La recrudescence de l’épidémie de Covid-19 a contraint Emmanuel Macron à prendre de nouvelles mesures restrictives pour la vie des Français qui entament pour partie les libertés individuelles et abîment le lien collectif avec la fermeture des espaces d’échange et de partage que sont les lieux culturels, les bars et les restaurants notamment.
Ces restrictions paraîtraient légitimes et cohérentes si elles s’étendaient à la sphère professionnelle. Or s’il y a un grand absent, un angle mort du discours du Président, c’est bien l’organisation de l’activité économique et le télétravail.
Au nom de quelle logique impose-t-on de telles contraintes personnelles d’un côté tout en laissant une telle liberté aux employeurs de l’autre? Pourquoi limiter à 6 personnes les repas de famille quand les transports en commun sont bondés à 8h comme à 18h ? Comment imposer un couvre-feu au monde de la culture et des bars/restaurants quand la restauration collective et la machine à café fonctionnent à plein ?
Cette logique est celle du MEDEF, reprise au mot près par le Président. La question du télétravail est renvoyée au niveau de l’entreprise au mépris de tout accord national ni interprofessionnel alors même que la France est sous pression de l’UE pour négocier un ANI remettant sa législation au niveau des standards européens. On en reste à un rapport de force entreprise par entreprise avec une contrainte minimale pour l’employeur et les inégalités qu’on imagine entre salariés.
Le télétravail a démontré son efficacité en termes de productivité
Pourquoi tant d’appréhension alors que le télétravail imposé par le confinement du printemps dernier a démontré son efficacité en termes de productivité en dépit de contraintes qui n’existent quasiment plus désormais pour les salariés ? (Garde d’enfants notamment). Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour faire reculer l’épidémie le plus vite possible. Le Gouvernement doit dès aujourd’hui parvenir à un accord conjoncturel pour élargir le télétravail autant que possible tout en protégeant les salariés.
Par ailleurs, une réflexion plus large sur notre rapport au travail et la place du télétravail doit être engagée. La saturation de nombreux transports publics comme l’impératif climatique nous y conduisent nécessairement, tout comme l’opportunité de libérer des surfaces de bureau au profit de nouveaux logements.
Cela rejoint également l’aspiration de nombreux salariés et d’une partie de la gauche pour qui l’un des nouveaux horizons de l’épanouissement personnel et professionnel réside dans la qualité du temps passé au travail et dans la capacité à le maîtriser. Cela implique de réduire les inégalités des situations de travail, relativement protégées dans les grandes entreprises, très peu dans les petites entreprises et les branches où le rapport de force avec l’employeur est défavorable. Le confinement printanier a démontré la violence de la souffrance au travail dans ces dernières situations. Il est donc nécessaire d’avoir un minimum de règles générales, ce que ni le MEDEF, ni le gouvernement ne veulent, mais qui permettraient pourtant à chaque salarié d’être traité sur un même pied d’égalité.
Ne nous y trompons pas, la réflexion sur le télétravail soulève des enjeux sociétaux lourds de sens et de conséquences dans la vie des salariés qu’il convient d’associer à cette démarche. Elle suscite des craintes légitimes quant au risque d’isolement social, de déconnexion compliquée avec le travail ou encore de mise en concurrence généralisée avec des salariés du monde entier.
A contrario, le télétravail lève également de nouveaux espoirs de progrès individuels et collectifs : être davantage maître de son agenda, mieux articuler sa vie personnelle et professionnelle ou tout simplement gagner du temps pour soi en supprimant celui du transport.
Il est fondamental de protéger les télétravailleurs
Pour protéger le plus grand nombre et laisser les meilleures solutions s’exprimer, il est urgent que le gouvernement soit force de propositions pour inciter les employeurs les plus frileux vers un télétravail massif et non exclusif. Il doit aussi revenir sur les ordonnances Macron et contraindre les entreprises à prendre en charge un forfait minimal de dépenses matérielles des salariés pour travailler à distance. Rappelons que ces derniers utilisent majoritairement leurs moyens personnels pour le compte de l’entreprise et que le télétravail est une source d’économie pour l’entreprise (foncier, énergie, restauration d’entreprise…)
Enfin, le gouvernement doit enjoindre les partenaires sociaux à mener une négociation immédiate sur un accord national et interprofessionnel pour ancrer le télétravail comme pratique durable pour les salariés et performante pour les entreprises. A ce titre, à chaque fois que c’est possible, le jour que chaque salarié peut demander en télétravail pourrait être étendu à deux, voire à trois jours.
Avec le télétravail, des progrès considérables pourraient être accomplis en termes de droits sociaux individuels mais également collectifs, qu’il s’agisse de lutte contre la pollution, de développement de l’attractivité de certains métiers et de bassins d’emploi aujourd’hui éloignés des grandes agglomérations. Il est un impératif aujourd’hui, faisons en sorte qu’il devienne non pas une menace mais une chance pour les salariés demain.
Laisser un commentaire